Si l’on fait une rapide recherche, notamment sur les – nombreux – sites
de « citations en ligne », cette expression est attribuée à une
certaine Carmen Tessier (1911-1980), une journaliste qui eut quelques ennuis à
la Libération, sa carte de presse lui ayant été retirée pour avoir travaillé à Paris-Soir,
un journal devenu collaborationniste. Elle aurait été dénoncée par des « confrères »
ce qui lui aurait inspiré ladite expression.
Passé la seconde guerre mondiale, la citation est attribuée outre à Carmen
Tessier, parfois au bâtonnier Henri-Robert (1863-1936), dont l’aura a pour principal
défaut d’écraser tous les autres bâtonniers de sa génération, ce qu’il fut il
est vrai pendant six ans de 1913 à 1919, parfois à un « ancien bâtonnier »
sans plus précision.
Dans ses mémoires, Le beau métier d'avocat, Odile Jacob, 1999, Jean
Gallot en attribue la paternité à un « vieil avocat du siècle
dernier ».
Mais, si l’on remonte un peu dans nos recherches, à une époque où Carmen
Tessier venait à peine de naître, on la retrouve dans plusieurs articles de presses
du début du XXème siècle, à partir de 1911, avec une constante cette fois-ci :
elle est toujours attribuée au bâtonnier, d’origine berrichonne, Henri Barboux.
Ce que confirment deux témoins majeurs de l’époque à savoir tant Géo London
(1883-1951), pape de la presse judiciaire de l’entre-deux guerres, dans L’humour
au tribunal, Pichon – Durand – Auzias, 1931, p. 110 que Jean-Marie-Bernard
Passerieu dit Jean-Bernard (1857-1936), dans La vie de Paris, Librairie
Alphonse Lemerre, vol. 2, 1916, p. 365, ce même Jean-Bernard auquel cette même
citation est parfois attribuée, à tort, par des auteurs contemporains.
Le souci c’est qu’Henri Barboux (1834-1910), bâtonnier de Paris en
1880/1882 (v. G. le Béguec, « Le bâtonnier Barboux (1834-1910) », in
Barreau, politique et culture à la belle époque, Pulim, 1993, p. 5 s.), n’a laissé
aucune trace écrite de cette formule que l’on ne trouve point dans les trois volumes
de ses discours et plaidoyers publiés chez Arthur Rousseau en 1889/1894.
L'Intermédiaire des chercheurs et curieux des 15-30 juillet 1934
a cherché, en vain, à en déterminer l’origine précise pour la situer, de façon
la plus probable qui soit, au moment de l’affaire Dreyfus, soit entre 1894 et
1906 peu avant la mort d’Henri Barboux et postérieurement aux publications précitées.
Ainsi après avoir un temps été crédité de ses bons mots, Henri Barboux est
devenu un auteur anonyme avant d’en être … dépossédé par des usurpateurs.
Rendons « La confraternité, cette haine vigilante » à Henri Barboux !