En 2010, le barreau de Paris avait célébré (en grande pompe) le bicentenaire de son « rétablissement ».
Nous avons eu l'occasion, en Décembre 2010, dans notre article « Le Décret du 14 Décembre 1810 et le rétablissement du Barreau de Paris » de nous pencher sur les 15 membres composant le Conseil de l'Ordre de Paris lors du rétablissement du Barreau de Paris en 1811, et le premier Bâtonnier d'alors, Gaspard-Gilbert Delamalle (1752-1834).
Le Barreau de Paris comptait alors 300 avocats, certains au nom
prestigieux, d'autre moins.
Peu de barreaux toutefois se reconstituèrent en France dès 1810 (sur la situation à Versailles, v. A. Damien, Le barreau quotidien, Henri Lefebvre, 1971, p. 74 s.) si ce n’est dans certaines grandes villes (sur la situation à Marseille, v. U. Bellagamba, Les avocats à Marseille : praticiens du droit et acteurs politiques (XVIIIème -XIXème siècles), PUAM, 2001, p. 259 et s.).
Les avoués, création paradoxale de la révolution … (D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.53), assuraient le service quotidien de la défense des justiciables, tandis que les avocats n’intervenaient alors que dans les procès de manière exceptionnelle.
La mainmise du procureur général, et du ministre de la Justice, sur la
tenue du tableau et la discipline des avocats, ainsi que sur la réglementation,
née de la méfiance de Napoléon à leur encontre, avait eu pour conséquence
…. la méfiance de ces mêmes avocats à l’égard d’institutions et de règles
sur lesquelles ils n’avaient guère de maitrise.
Ce sont, en réalité, deux ordonnances de 1822 (D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.71 et s.), que l’on doit à Pierre-Denis de Peyronnet (1778-1854), qui vont réellement marquer le rétablissement des barreaux en France à partir de 1822, même si la situation n’est point uniforme sur l’ensemble du territoire (sur l’éclatement du barreau de Limoges dès 1821, v. P. Plas, Avocats et barreaux dans le ressort de la cour d’appel de Limoges, de la Révolution française à la Seconde guerre mondiale, PULIM, 2007, p. et s.).
C’est, en premier lieu, l’ordonnance royale du 27 février 1822 (Ord. du roi Louis XVIII, 27 févr. 1822 sur l’incompatibilité des fonctions des avocats et des avoués et qui interdit à ceux-ci la plaidoirie, in A. Dupin, Profession d’avocat : Recueil des pièces concernant l’exercice de cette profession, B. Warée aîné, 1830-1832, p. 603) qui vient supprimer la possibilité pour les avoués de plaider les causes dans lesquelles ils occupaient.
Ainsi, seuls les avocats avaient désormais cette possibilité, une sorte de monopole de la plaidoirie était donc constitué, à moins que le nombre d’avocats inscrits sur un tableau ne soit jugé insuffisant pour la plaidoirie et l’expédition des affaires.
Ce texte, à l’origine, notamment, des démêlés du barreau de Versailles avec
la compagnie des avoués (A. Damien, Le barreau quotidien, Henri
Lefebvre, 1971, p. 77 s.), marque la renaissance du barreau. C’est lui qui a
rempli tous les barreaux de France de candidats nombreux puisque l’augmentation
du nombre d’avocats apportait au barreau le monopole de plaidoirie et pousse à
l’implantation de ces mêmes barreaux auprès des tribunaux de première instance plutôt
que des cours d’appel.
C’est, en second lieu, l’ordonnance royale du 20 novembre 1822 (Ord. du roi Louis XVIII, 20-23 nov. 1822 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la formation d’avocat et la discipline du barreau, in A. Dupin, Profession d’avocat : recueil des pièces concernant l’exercice de cette profession, B. Warée aîné, 1830-1832, p. 610).
L’objectif de cette ordonnance, qui fut provoqué par un blocage entre le barreau de Paris et le procureur général de Paris, Nicolas François Bellart (1761-1826), dans le renouvellement du conseil de l’ordre de Paris, était de : « prendre en considération les réclamations qui ont été formées par les divers barreaux du royaume contre les dispositions du décret du 14 décembre 1810, et voulant rendre aux avocats exerçant dans nos tribunaux, la plénitude du droit de discipline qui, sous les rois nos prédécesseurs, élevait au plus haut degré l’honneur de cette profession et perpétuait dans son sein l’invariable tradition de ses prérogatives et de ses devoirs ; voulant d’ailleurs attacher à la juridiction que le barreau doit exercer sur chacun de ses membres, une autorité et une confiance fondées sur les déférences et sur le respect que l’expérience des anciens avocats leur donne le droit d’exiger de ceux qui sont entrés plus tard dans cette carrière » (Rapport au Roi sur l’ordre des avocats, annexe de l’ordonnance).
Cette ordonnance abrogea ainsi, purement et simplement, le décret du 14 décembre 1810 et supprima les pouvoirs du procureur général en matière de désignation des membres du conseil de l’Ordre, au profit d’un système de nomination des « anciens », et du bâtonnier qui était désormais nommé par le conseil de l’Ordre.
Surtout comme le précise l’article 45 de l’ordonnance du 20-23 novembre 1822 : « Les usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l’exercice de leur profession, sont maintenus ».
Ce sont ainsi les usages, antérieurs au décret de 1810, qui doivent
conduire à déterminer les droits et devoirs des avocats, usages qui, par
nature, ne sont jamais immuables. Les avocats demeurants dès lors pleinement maître
de leur réglementation professionnelle, y compris en ce qui concerne la définition de leur costume professionnel.
L’autonomie des barreaux sera, par la suite, accrue par l’ordonnance du 27 août 1830 (D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.73), que l’on doit à Jacques-Charles Dupontde l’Eure (1767-1855), fruit de la révolution de Juillet, et qui donnera aux avocats réunis en assemblée générale le droit d’élire leur conseil de l’Ordre et leur bâtonnier (Ord. de Louis-Philippe, 27 août 1830 contenant des dispositions sur la profession d’avocat, art. 5).
Mais si le bicentenaire du funeste décret de 1810 fut largement célébré, les ordonnances de 1822 semblent être tombées, elles, dans un, relatif, oubli …
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