Le Conseil National des Barreaux nous a appelé à
faire grève le 30 septembre. Bien qu’ancien Président de cette
Institution, que j’ai toujours défendue contre les critiques injustes
dont elle faisait parfois l’objet, je ne ferai pas grève. Les raisons de cet
appel me paraissent en effet contraires à l’intérêt même de notre profession
que jusqu’alors le CNB accompagnait, quand elle ne la précédait pas, dans ses
évolutions nécessaires. Le gouvernement a en effet raison de nous pousser à
nous moderniser. S’accrocher à la territorialité de la postulation, qui ne veut
plus rien dire à l’heure d’internet, et dont le tarif n’a pas été revalorisé
depuis 1972, correspond à la défense d’une vision archaïque d’une profession à
péage. Ceux qui appellent aujourd’hui à la grève sont ceux qui avant-hier
luttaient contre la fusion des avocats et des conseils juridiques, hier
protestaient contre la suppression des avoués. Ils mêlent leurs voix à
celles des notaires défendant leur monopole et la vénalité de leurs charges, ou
des pharmaciens d’officine « seuls capables » de vendre de l’aspirine. Qu’ont à
craindre nos confrères de province alors que nous faisons systématiquement
appel à eux lorsqu’un dossier nous amène devant une juridiction non parisienne,
même lorsque la postulation n’est pas obligatoire ? L’ouverture minoritaire des
capitaux de nos sociétés d’exercice est-elle aussi à redouter ? Nombre de
jeunes avocats pourraient ainsi investir pour créer leur structure avec l’aide
de parents ou d’amis sans perdre de leur indépendance. Et que dire du refus de
l‘exercice de l’avocat en entreprise, alors que le barreau de Paris y est
favorable depuis plus de vingt ans, de même que la grande majorité de ceux qui
réfléchissent à la profession du XXI ème siècle en nous comparant tout
simplement à nos confrères européens ou anglo-saxons. Sans doute les opposants
souhaitent-ils que selon le modèle belge se créé une autre profession
règlementée de juriste en entreprise que nous mettrons ensuite 50 ans à
absorber ! Qui relaie ces fausses inquiétudes ? Quelques caciques de
syndicats à bout de souffle qui essaient de se redonner une image à quelques
semaines d’une élection. Je déplore que le Conseil National s’en fasse le
porte-parole, alors que les idées proposées par le gouvernement correspondent
peu ou prou aux conclusions du rapport Darrois que nous avions en son temps,
largement approuvées !
Paul-Albert IWEINS