10/10/2010

Pour une Gouvernance cohérente et unitaire de notre profession

L'enjeu des institutions de la profession dépasse largement la simple question de l'ordre national question qui à ce jour relève plus de la sémantique juridique que du réel débat de fond. 

Le risque de création d'une autorité de réglementation indépendante, transparente et responsable pour le marché des services juridiques mérite d'être sérieusement pris en compte. 

Ce mouvement de dérégulation s'observe dans le cadre de la tendance à l'assimilation des avocats aux professions financières. 

Une illustration en est donnée par la réglementation issue par les directives sur la prévention du système financier à l'égard des opérations de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. 

Il existe une véritable offensive pour que la déontologie soit définie par des organismes extérieurs à la profession, qualifiés "d'indépendants" (LSB en Angleterre, Comité en Hollande,...), "des autorités indépendantes" supérieures aux instances nationales et aux Ordres, chargées de règlementer, contrôler, surveiller. 

Nous devons avoir une réflexion sur un certain nombre de restrictions dans l'exercice professionnel issues des règles de déontologie afin que celles-ci soient toujours proportionnées avec l'objectif retenu et soient exclusives de corporatisme et obéissent à un intérêt général. Les limites de l'intérêt général devront être fixées par la Loi, dans le cadre de l'encadrement du pouvoir normatif et décisionnaire du CNB, sous le contrôle du juge. 

Il est concevable dans un tel système de prévoir au sein d'une même profession des « secteurs » plus régulés que d'autres suivant les nécessité, et ce y compris dans le cadre d'une Grande Profession d'Avocat. 

Il demeurera, en tout état de cause, un socle commun constitué par les garanties d'éthique, d'intégrité et d'expérience à l'égard des consommateurs, et qui sont reconnues par les autorités européennes et surtout la CJCE, comme une nécessité. La question de la déontologie et celle de la discipline sont au coeur des réflexions, notamment quant à leurs sources et leur exercice. 

La profession d'avocat en Europe semble caractérisée par l'auto règlementation partielle. Aucun pays ne dispose d'une auto règlementation totale ou illimitée, c'est-à-dire la capacité pour une profession, quand elle y a été habilitée, de poser elle-même et pour ses membres, le ou les règles régissant leur activité professionnelle. 

Cela se justifie par le fait que : - les avocats sont les mieux à même d'établir les exigences règlementaires pour leur exercice, - ils se sentiront plus responsables des règlementations s'ils sont impliqués dans le processus d'élaboration, - elle permet une certaine souplesse, - le coût administratif est plus faible, le respect est meilleur et l'adaptation par les cabinets plus rapide. 

Enfin, les avocats sont les mieux placés pour observer et évaluer la mauvaise conduite professionnelle et aider à la sanctionner. 

Le seul but de la réglementation de la profession d'avocat consiste dans le fait d'assurer aux clients de celui-ci que l'avocat sera : 

- compétent, 
- indépendant, 
- discipliné. 

L'Etat a délégué en partie aux ordres le soin de s'assurer que ses membres sont : 

- compétents: c'est la maîtrise du Tableau, 
- indépendants: c'est la déontologie, 
- disciplinés: c'est le disciplinaire. 

Ces trois branches sont la raison même d'exister de nos Ordres. 

La question est de savoir si le fait de déléguer ces 3 compétences à un organe non étatique est en soi facteur de restriction de la concurrence et de savoir ce qui pourrait, dans les organisations ordinales que nous connaissons aujourd'hui, être un frein à la libre concurrence. 

Le Conseil National des Barreaux doit être la seule voix de la profession et ne doit pas souffrir de représentations concurrentes. 

Organe représentatif unique de notre profession, il doit en être l'organe législatif unique chargé d'élaborer les règles professionnelles et d'en contrôler l'application par les Ordres. 

Sa représentativité ne saurait souffrir de la présence d'un collège ordinal où 42 avocats élisent le quart des membres du CNB ! Il convient à cet égard que l'ensemble des membres du Conseil National des Barreaux soient élus par tous les avocats sans exceptions. 

Le CNB doit être en mesure de se doter des moyens humains et matériels nécessaires à l'exercice de se missions. 

Les Ordres doivent se recentrer sur leur fonction exécutive à raison d'un Ordre dans chaque ressort de Cour d'Appel seul critère de nature à permettre un relatif équilibre des rapports entre les différents Ordre ainsi constitués. 

La fonction de Bâtonnier, Président de l'exécutif local dont le mandat sera allongé à 3 ans, doit être restituée dans sa nature originelle de conciliateur et médiateur entre les avocats dépendant de l'Ordre, il serait en outre le représentant de l'Ordre auprès du seul CNB. 

Les élus ordinaux et nationaux doivent être dotés d'un statut et d'une déontologie propre afin de prendre en compte la particularité de leurs fonctions. 

C'était le sens de l'ambitieux rapport « La réforme de Institutions de la professions » adoptée par la Commission Permanente de l'UJA de Paris le 12 Novembre 2008. 

Depuis certaines propositions contenues dans le rapport, notamment en ce qui concerne la mise en place d'une véritable procédure de règlement des différents entre avocats dans le cadre de leur exercice professionnel, se sont concrétisées avec le Décret du 11 Décembre 2009 et l'adoption des nouvelles disposition de l'article 20 du Règlement Intérieur National lors de l'Assemblée Générale du CNB du 24 Septembre dernier. 

Nous ne pouvons que nous en réjouir. 

Au moment où un débat à lieu au sein de la profession sur la question même de sa Gouvernance, au moment où l'on constate l'échec de mouvements de « mobilisation » organisés dans la précipitation dans le seuls but de permettre à une Institution d'essayer d'affirmer sa prééminence, au moment où les replâtrages voulus par les uns n'aboutissent en fait qu'à renforcer la confusion, il est plus que jamais nécessaire d'avoir un véritable ambition pour une Gouvernance cohérente et unitaire de notre profession. 

C'est le sens de ce rapport toujours plus que jamais d'actualitéqui constitue les propositions de l'UJA de Paris relatives à la Gouvernance de la profession

Dominique Piau 
Président de l'UJA de Paris