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27/10/2023

Nul signe distinctif donc point de décoration sur le costume professionnel !

                                                                                     Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus

 
« L’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe ».
 
Le texte est clair et insusceptible d’interprétation : il vise TOUT signe distinctif … sans distinction, et donc, naturellement, les décorations.

Certains prétendent que les décorations ne seraient point concernées car le RIN ne serait pas en mesure d’en réglementer le port, lequel relèverait du Code de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire et de l'ordre national du Mérite.
 
Il n’y a rien de plus faux ! 
 
On notera, non sans ironie, que les thuriféraires du port des décorations après avoir initialement, vainement, prétendu que ledit code leur en imposait le port, se contentent désormais d’affirmer qu’il en protégerait le port. Gageons qu’ils finiront par reconnaitre que ce port des décorations sur un costume professionnel est parfaitement inopportun …
 
En effet, ledit code se contente simplement, par des dispositions de nature règlementaire, de réglementer le port des décorations sans en faire un droit, et encore moins une liberté fondamentale,  et ne fait nullement obstacle à ce que d’autres dispositions, de nature règlementaire, ne viennent l'interdire.
 
Specialia generalibus derogant ...
 
Surtout, la Cour de cassation a reconnu la pleine compétence des règlements intérieurs sur cette question sans qu'il n'y ait lieu de distinguer suivant la nature des signes distinctifs :
 
« 11. L'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les avocats sont des auxiliaires de justice, prêtent serment en ces termes : « Je jure comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité » et revêtent, dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.
 
12. Selon l'article 17, le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession, sans préjudice des attributions dévolues au Conseil national des barreaux (CNB).
 
13. Selon l'article 21-1, le CNB unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession.
 
14. En l'absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, il entre dans les attributions d'un conseil de l'ordre de réglementer le port et l'usage du costume de sa profession.
 
15. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que les modalités du port et de l'usage du costume intéressaient l'exercice de la profession d'avocat et que le conseil de l'ordre avait le pouvoir de modifier son règlement intérieur sur ce point. » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 2 mars 2022, n°20-20.185 - v. aussi : D. Piau, « Costume professionnel et principe d’égalité : nulle distinction ne saurait être admise », Gazette du Palais - 12 Avril 2022 - n°12, p. 21).
 
En outre, s’agissant, plus spécifiquement, du port des décorations (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°313.45 et s.), la Cour de cassation n'a jamais validé ce port au regard du principe d'égalité. Elle avait alors considéré que :
 
« (…) le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les justiciables n'a pas été invoqué devant la cour d'appel ; que le moyen, irrecevable en sa troisième branche qui est nouvelle et mélangée de fait, n'est pas fondé pour le surplus ; (…) » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 17-26.166).
 
Et, la cour d’appel de Douai a, elle, très clairement validé une l’interdiction de ce même port de décorations en considérant que :
 
« L’article 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, s’il précise que les avocats revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession, ne décrit pas ce costume.
 
Seul l’arrêté des consuls de la République du 2 Nivôse an II en fait une description en précisant que “aux audiences de tous les tribunaux, les gens de loi et les avoués porteront la toge de laine, fermée sur le devant, à manches larges ; toque noire, cravate pareille à celle des juges ; cheveux longs ou ronds”, ce port de cheveux n’étant manifestement plus d’usage.
 
L’article 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 sus-visée précise également que les avocats sont des auxiliaires de justice et en assurant la défense des justiciables, ils concourent au service public de la justice.
 
A ce titre, la volonté d’un barreau, représenté par son conseil de l’ordre, de faire obligation à ses membres, lorsqu’ils se présentent devant une juridiction, pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme, concourt à assurer l’égalité des avocats et à travers celle-ci l’égalité des justiciables, qui est un élément constitutif au droit au procès équitable, les dispositions du code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite, notamment en ses articles R 66, R 69 et R 193 relatifs au port des insignes de ces trois distinctions ne prévoyant d’obligation du port que sur le costume officiel (grande tenue) ou sur l’uniforme militaire (grande tenue), ce que n’est pas la robe noire d’avocat.
 
L’objectif recherché est bien légitime et l’exigence proportionnée, cette interdiction ne valant que lors des missions de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction, le conseil de l’ordre du barreau de Lille ayant édicté l’interdiction du port de décoration, non point juste après l’énoncé de ce que l’avocat portait la robe professionnelle dans ses activités judiciaires et à l’occasion des manifestations officielles, mais après avoir énoncé la manière dont l’avocat devait s’adresser aux juges. » (Douai 9 juill. 2020, n°19/05808 - v. aussi : D. Piau, « Costume professionnel et principe d’égalité : nulle distinction ne saurait être admise », Gazette du Palais - 12 Avril 2022 - n°12, p. 21).
 
Au demeurant, toute autre interprétation serait de nature à mettre en cause la légalité même des dispositions de l’article 1.3. du RIN en venant créer une discrimination entre les « signes distinctifs » (v. not. en ce sens : S. Hennette-Vauchez, « Liberté religieuse, discrimination et intersectionnalité (à l’envers). A propos du voile de l’avocate », D. 2023. 1183).    
 
Pas plus que l’on n’a jamais vu de militaire en treillis combattre en portant ses décorations, on conçoit mal, à quel titre et de quel droit, les avocats, défenseurs des libertés, monteraient au front dans les salles d’audience avec ces mêmes décorations.

01/02/2023

A la recherche de l’auteur de : « La confraternité, cette haine vigilante »

Si l’on fait une rapide recherche, notamment sur les – nombreux – sites de « citations en ligne », cette expression est attribuée à une certaine Carmen Tessier (1911-1980), une journaliste qui eut quelques ennuis à la Libération, sa carte de presse lui ayant été retirée pour avoir travaillé à Paris-Soir, un journal devenu collaborationniste. Elle aurait été dénoncée par des « confrères » ce qui lui aurait inspiré ladite expression.
 
Passé la seconde guerre mondiale, la citation est attribuée outre à Carmen Tessier, parfois au bâtonnier Henri-Robert (1863-1936), dont l’aura a pour principal défaut d’écraser tous les autres bâtonniers de sa génération, ce qu’il fut il est vrai pendant six ans de 1913 à 1919, parfois à un « ancien bâtonnier » sans plus précision.
 
Dans ses mémoires, Le beau métier d'avocat, Odile Jacob, 1999, Jean Gallot en attribue la paternité à un « vieil avocat du siècle dernier ».
 
Mais, si l’on remonte un peu dans nos recherches, à une époque où Carmen Tessier venait à peine de naître, on la retrouve dans plusieurs articles de presses du début du XXème siècle, à partir de 1911, avec une constante cette fois-ci : elle est toujours attribuée au bâtonnier, d’origine berrichonne, Henri Barboux.
 
Ce que confirment deux témoins majeurs de l’époque à savoir tant Géo London (1883-1951), pape de la presse judiciaire de l’entre-deux guerres, dans L’humour au tribunal, Pichon – Durand – Auzias, 1931, p. 110 que Jean-Marie-Bernard Passerieu dit Jean-Bernard (1857-1936), dans La vie de Paris, Librairie Alphonse Lemerre, vol. 2, 1916, p. 365, ce même Jean-Bernard auquel cette même citation est parfois attribuée, à tort, par des auteurs contemporains.
 
Le souci c’est qu’Henri Barboux (1834-1910), bâtonnier de Paris en 1880/1882 (v. G. le Béguec, « Le bâtonnier Barboux (1834-1910) », in Barreau, politique et culture à la belle époque, Pulim, 1993, p. 5 s.), n’a laissé aucune trace écrite de cette formule que l’on ne trouve point dans les trois volumes de ses discours et plaidoyers publiés chez Arthur Rousseau en 1889/1894.
 
L'Intermédiaire des chercheurs et curieux des 15-30 juillet 1934 a cherché, en vain, à en déterminer l’origine précise pour la situer, de façon la plus probable qui soit, au moment de l’affaire Dreyfus, soit entre 1894 et 1906 peu avant la mort d’Henri Barboux et postérieurement aux publications précitées.  
 
Ainsi après avoir un temps été crédité de ses bons mots, Henri Barboux est devenu un auteur anonyme avant d’en être … dépossédé par des usurpateurs.
 
Rendons « La confraternité, cette haine vigilante » à Henri Barboux !

 


 

20/11/2022

Un bicentenaire peut en cacher un autre … : les Ordonnances de 1822 ou la vraie renaissance du barreau français

En 2010, le barreau de Paris avait célébré (en grande pompe) le bicentenaire de son « rétablissement ».

Nous avons eu l'occasion, en Décembre 2010, dans notre article « Le Décret du 14 Décembre 1810 et le rétablissement du Barreau de Paris » de nous pencher sur les 15 membres composant le Conseil de l'Ordre de Paris lors du rétablissement du Barreau de Paris en 1811, et le premier Bâtonnier d'alors, Gaspard-Gilbert Delamalle (1752-1834).

Le Barreau de Paris comptait alors 300 avocats, certains au nom prestigieux, d'autre moins.

 

Peu de barreaux toutefois se reconstituèrent en France dès 1810 (sur la situation à Versailles, v. A. Damien, Le barreau quotidien, Henri Lefebvre, 1971, p. 74 s.) si ce n’est dans certaines grandes villes (sur la situation à Marseille, v. U. Bellagamba, Les avocats à Marseille : praticiens du droit et acteurs politiques (XVIIIème -XIXème siècles), PUAM, 2001, p. 259 et s.).

Les avoués, création paradoxale de la révolution … (D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.53), assuraient le service quotidien de la défense des justiciables, tandis que les avocats n’intervenaient alors que dans les procès de manière exceptionnelle.

La mainmise du procureur général, et du ministre de la Justice, sur la tenue du tableau et la discipline des avocats, ainsi que sur la réglementation, née de la méfiance de Napoléon à leur encontre, avait eu pour conséquence …. la méfiance de ces mêmes avocats à l’égard d’institutions et de règles sur lesquelles ils n’avaient guère de maitrise.

 

Ce sont, en réalité, deux ordonnances de 1822 (D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.71 et s.), que l’on doit à Pierre-Denis de Peyronnet (1778-1854), qui vont réellement marquer le rétablissement des barreaux en France à partir de 1822, même si la situation n’est point uniforme sur l’ensemble du territoire (sur l’éclatement du barreau de Limoges dès 1821, v. P. Plas, Avocats et barreaux dans le ressort de la cour d’appel de Limoges, de la Révolution française à la Seconde guerre mondiale, PULIM, 2007, p. et s.).


C’est, en premier lieu, l’ordonnance royale du 27 février 1822 (Ord. du roi Louis XVIII, 27 févr. 1822 sur l’incompatibilité des fonctions des avocats et des avoués et qui interdit à ceux-ci la plaidoirie, in A. Dupin, Profession d’avocat : Recueil des pièces concernant l’exercice de cette profession, B. Warée aîné, 1830-1832, p. 603) qui vient supprimer la possibilité pour les avoués  de plaider les causes dans lesquelles ils occupaient.

Ainsi, seuls les avocats avaient désormais cette possibilité, une sorte de monopole de la plaidoirie était donc constitué, à moins que le nombre d’avocats inscrits sur un tableau ne soit jugé insuffisant pour la plaidoirie et l’expédition des affaires.

Ce texte, à l’origine, notamment, des démêlés du barreau de Versailles avec la compagnie des avoués (A. Damien, Le barreau quotidien, Henri Lefebvre, 1971, p. 77 s.), marque la renaissance du barreau. C’est lui qui a rempli tous les barreaux de France de candidats nombreux puisque l’augmentation du nombre d’avocats apportait au barreau le monopole de plaidoirie et pousse à l’implantation de ces mêmes barreaux auprès des tribunaux de première instance plutôt que des cours d’appel.

 

C’est, en second lieu, l’ordonnance royale du 20 novembre 1822 (Ord. du roi Louis XVIII, 20-23 nov. 1822 contenant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la formation d’avocat et la discipline du barreau, in A. Dupin, Profession d’avocat : recueil des pièces concernant l’exercice de cette profession, B. Warée aîné, 1830-1832, p. 610).

L’objectif de cette ordonnance, qui fut provoqué par un blocage entre le barreau de Paris et le procureur général de Paris, Nicolas François Bellart (1761-1826), dans le renouvellement du conseil de l’ordre de Paris, était de : « prendre en considération les réclamations qui ont été formées par les divers barreaux du royaume contre les dispositions du décret du 14 décembre 1810, et voulant rendre aux avocats exerçant dans nos tribunaux, la plénitude du droit de discipline qui, sous les rois nos prédécesseurs, élevait au plus haut degré l’honneur de cette profession et perpétuait dans son sein l’invariable tradition de ses prérogatives et de ses devoirs ; voulant d’ailleurs attacher à la juridiction que le barreau doit exercer sur chacun de ses membres, une autorité et une confiance fondées sur les déférences et sur le respect que l’expérience des anciens avocats leur donne le droit d’exiger de ceux qui sont entrés plus tard dans cette carrière » (Rapport au Roi sur l’ordre des avocats, annexe de l’ordonnance).

Cette ordonnance abrogea ainsi, purement et simplement, le décret du 14 décembre 1810 et supprima les pouvoirs du procureur général en matière de désignation des membres du conseil de l’Ordre, au profit d’un système de nomination des « anciens », et du bâtonnier qui était désormais nommé par le conseil de l’Ordre.

Surtout comme le précise l’article 45 de l’ordonnance du 20-23 novembre 1822 : « Les usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l’exercice de leur profession, sont maintenus ».

Ce sont ainsi les usages, antérieurs au décret de 1810, qui doivent conduire à déterminer les droits et devoirs des avocats, usages qui, par nature, ne sont jamais immuables. Les avocats demeurants dès lors pleinement maître de leur réglementation professionnelle, y compris en ce qui concerne la définition de leur costume professionnel.

 

L’autonomie des barreaux sera, par la suite, accrue par l’ordonnance du 27 août 1830 (D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.73), que l’on doit à Jacques-Charles Dupontde l’Eure (1767-1855), fruit de la révolution de Juillet, et qui donnera aux avocats réunis en assemblée générale le droit d’élire leur conseil de l’Ordre et leur bâtonnier (Ord. de Louis-Philippe, 27 août 1830 contenant des dispositions sur la profession d’avocat, art. 5).

Mais si le bicentenaire du funeste décret de 1810 fut largement célébré, les ordonnances de 1822 semblent être tombées, elles, dans un, relatif, oubli …

Lire aussi :

Y. Ozanam, « Les avocats parisiens dans le premier tiers du XIXe siècle : Entre passé et présent, la recherche d’une identité collective », H. Leuwers, J.-P. Barriere, B. Lefebvre, Elites et sociabilité au XIXème siècle, Histoire et littérature du Septentrion (IRHiS), 2001, p. 153 et s.

21/04/2022

RÈGLES DE LA PROFESSION D'AVOCAT 2022/2023

 

Auteur(s) : Henri Ader, André Damien, Stéphane Bortoluzzi, Dominique Piau, Thierry Wickers

Edition : Avril 2022 - 17e édition

Éditeur : Dalloz



Depuis la précédente édition, Henri Ader (1928-2017), le 2 mars 2017, puis André Damien (1930-2019), le 5 mars 2019, nous ont quittés.

Avec eux, disparaissent les derniers témoins des évolutions paradoxales de notre profession pendant plus d’un demi-siècle. Ils doivent nous conduire à garder foi en l’avenir sans jamais oublier notre passé.

Ils étaient avocats avant tout. Cette profession dont André Damien disait qu’elle « est la profession des contradictions, et par là même, elle aboutit à créer des hommes déchirés entre des choix contradictoires ».

Leur intense activité ordinale, au service de l’intérêt général, les amena à s’y intéresser avec passion et érudition, et à en devenir les déontologues attitrés. André Damien, en tira plusieurs ouvrages de référence tenant à l’histoire et au devenir des avocats, à la formation des plus jeunes, ou encore au fonctionnement de nos institutions, et écrivit pendant près de trente ans, de 1975 à 2003, des chroniques régulières dans la Gazette du Palais. Henri Ader, moins présent sur le terrain doctrinal, mis en jambe par un voyage à Moscou que lui organisa Jacques Vergès lors de leur année de Conférence en 1957, préféra celui de l’action, au barreau, au Conseil national des barreaux et à l’Unca.

André Damien avait pris la suite de Jacques Hamelin (1901-1973), dans la rédaction du présent ouvrage en 1973, ouvrage que le bâtonnier Bernard Baudelot avait qualifié d’ « Evangile des avocats », et dont il assurera huit éditions successives de 1973 à 2000, dont la 5e en 1987 fut couronnée par l’Académie des sciences morales et politiques du Prix Jean-Baptiste Chevallier, avant de transmettre le témoin à l’occasion de la 10e édition à Henri Ader en 2004 qui en assuma la responsabilité jusqu'à la 14e édition en 2013.

André Damien, aura été le précurseur de l’unification des règles et usages de la profession en élaborant une Tradition du barreau français, résumant l’essentiel de nos principes essentiels et règles déontologiques. Il s’agissait de permettre à tous les ordres, par une délibération conjointe, d’adopter un règlement intérieur national. Si cette ambition ne se réalisa pas, c’est Henri Ader qui, présidant aux destinées de la Commision des règles et usages du Conseil national des barreaux de 1997 à 2002, portera le Règlement intérieur harmonisé (RIH), qui s’en inspire largement, sur les fonts baptismaux. RIH qui deviendra le Règlement intérieur national (RIN) et obtiendra une portée normative, constituant le socle de la déontologie commune des avocats.

Moderniste, André Damien a très tôt déploré que « les structures de la profession d’avocat [soient] demeurées inadaptées à la réforme des institutions », regrettant que le Conseil national des barreaux ne résulte pas de la jonction du barreau de Paris et de la conférence des bâtonniers, lui qui notait, non sans malice, que « Le vice des avocats ce n'est ni la légèreté, ni la cupidité, ni la vanité, c'est la volonté de se diviser à loisir ».

Ardent défenseur du secret professionnel, André Damien en déplorait l’affaiblissement en notant que celui-ci, « selon l’évolution des mentalités, […] est une sorte de curseur sur une réglette mobile dont la position permet de savoir si une société est plus individualiste que collectiviste ou le contraire ».

Prospectif, André Damien constatait qu’« à la différence de ce qui existait de leur temps, la source est devenue la jurisprudence. Un usage n’a plus de valeur s’il résulte d’une consultation d’un bâtonnier ou d’un arrêté disciplinaire ; il ne prend son efficacité que si une décision judiciaire lui a conféré force de loi », accompagnant avec son œuvre doctrinale la judiciarisation croissante de la réglementation professionnelle.

Il avait su, magnifiquement, mettre en exergue la responsabilité collective des avocats dans leur autorégulation, en inscrivant en tête de cet ouvrage cette citation de Georges Bernanos : « Notre Règle n’est pas un refuge. Ce n’est pas la règle qui nous garde, c’est nous qui gardons la règle. ».

Plus que jamais, dans un contexte où les évolutions par à-coups se poursuivent, rendant difficile la compréhension des changements réalisés, et l’appréhension de leur cohérence globale, faute d’une refonte totale des textes, ce sont les avocats qui gardent la règle.

Cette 17e édition paraît au moment même où Hani Féghali, « l’homme qui murmurait à l’oreille des auteurs », et qui a veillé à ses éditions successives ainsi qu’à sa pérennité depuis 1996, a décidé, en janvier 2022, de partir à la retraite. Il aura marqué de son empreinte l’évolution du présent ouvrage parmi tant d’autres.

Elle prend en compte la loi du 22 décembre 2021, qui s’inscrit, à la suite de la loi du 23 mars 2019, de l’ordonnance du 18 septembre 2019 et des décrets pris en application, ainsi que de la loi du 18 novembre 2016, au sein d’un phénomène d’inflation et d’instabilité législative pour le moins préoccupant. Et ce, alors même que la justice continue de souffrir de l’indigence des moyens qui lui sont consacrés, ce qu’Henri Ader, alors bâtonnier de Paris, dénonçait déjà, lors de son premier discours de rentrée du barreau, en 1990.

Ces textes auront un impact certain sur l’exercice professionnel des avocats notamment, s’agissant de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, en raison, tant des atteintes portées au secret professionnel de l’avocat que de la réforme de la procédure disciplinaire marquée par l’arrivée d’un plaignant, aux contours encore mal définis, comme partie à part entière dans la procédure.

Poursuivant le travail de refonte entamé avec les précédentes, tout en préservant l’esprit voulu par ses fondateurs, la présente édition vise à présenter les règles et principes essentiels de la profession d’avocat, sa déontologie, tant dans leur fondement que dans leur richesse d’application.



Costume professionnel et principe d’égalité : nulle distinction ne saurait être admise

 A lire dans la Gazette du Palais -  12 Avril 2022 - n°12, p. 21




14/02/2018

RÈGLES DE LA PROFESSION D'AVOCAT 2018/2019


Auteur(s) : Henri Ader, André Damien, Stéphane Bortoluzzi, Dominique Piau, Thierry Wickers

Edition : Février 2018 - 16e édition

Éditeur : Dalloz



Depuis la précédente éditionles ordonnances et décrets d’application de la loi pour la croissance et l’activité du 6 août 2015 ainsi que la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et ses décrets d’application, sont venus poursuivre la lente, mais inéluctable, évolution de la profession d’avocat entamée ces vingt dernières années.

Une évolution par à coup, avec une constance certaine, qui rend parfois difficile la compréhension des changements réalisés, et l’appréhension de leur cohérence globale, faute d’une refonte totale des textes.

D’autant que les seules règles de la profession d’avocat ne se suffisent plus à elles seules : l’avocat est devenu un acteur économique à part entière, y compris dans le domaine du numérique et des prestations juridiques en ligne où la profession a enfin pris la mesure des enjeux et des investissements nécessaires. Acteur économique à part entière, l’avocat est désormais pleinement soumis aux règles qui en découlent et, notamment, le droit de la consommation et le droit de la concurrence. La coordination des différents textes, d’inspirations diverses, n’est pas toujours aisée, et implique, aussi, l’intervention d’autorités de régulation extérieures à la profession. La DGCCRF est ainsi devenu un interlocuteur à part entière des instances de la profession.

Mais l’avocat n’a pas perdu pour autant sa raison d’être, même si l’unité de la profession s’en ressent. Bien au contraire, il a pris conscience qu’il est avant tout le mandataire naturel de son client, et s’est ouvert des perspectives de développement nouvelles tant s’agissant des mandats les plus traditionnels (mandat de représentation en justice, mandataire immobilier, mandataire sportif, etc …), que dans les opportunités récentes offertes, notamment, par l’émergence du principe d'accountability ces dernières années (transparence et modernisation de la vie économique, devoir de vigilance, protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD), …). L’avocat devient un chef d’orchestre intournable de la vie des entreprises  dans l’élaboration, le contrôle et la défense du respect des obligations qui leurs sont ainsi imposées. Un acteur qui peut désormais être présent en leur sein, en s’y domiciliant, le cas échant.

De cette redéfinition de ses missions, il n’appartient qu’à l’avocat de s’en saisir, et de ne pas laisser ces marchés à d’autres, en prenant conscience de la nécessité d’inscrire le développement de son champ d’activité tant dans le respect des règles propres à la profession, que dans celles, parfois, spécifiques aux mandats qu’il entend exercer. D’autant que ces dernières se sont, paradoxe d’une société libérale, considérablement développées, imposant de nouvelles contraintes règlementaires, et autorités de contrôles, et nécessitant de prendre en compte les spécificités de la profession d’avocat tenant notamment à la préservation du secret professionnel, obligation fondamentale de l’avocat à l’égard de son client dans l’intérêt exclusif de ce dernier.

Dans ce contexte mouvant, à l’avenir incertain, les principes essentiels et règles déontologiques de la profession d’avocat évoluent sans jamais oublier leur raison d’être : faire de l’avocat plus qu’un simple prestataire de service, un tiers de confiance indépendant, et ce dans l’intérêt du public. Elles font tant l’unité de la profession d’avocat, que sa valeur ajoutée, et constituent ainsi sa force.


La présente édition poursuivant le travail de refonte entamé avec la précédente, vise ainsi plus que jamais à présenter les règles de la profession d’avocat, sa déontologie, tant dans leur fondement que dans leur richesse d’application. 

02/03/2014

Sonia Olga Balachowsky-Petit (1870 - 1965), première femme à prêter serment

Le 6 Décembre 1900, Sonia Olga PETIT,  alors âgée de 30 ans, devenait la première femme, en France, à prêter serment et entrer dans la Profession d'avocat.

Elle était née Scheïna Léa BALACHOWSKY à Korsun-Shevchenkovskiy (Ukraine), le 16 Mars 1870, et était la Fille d'Herz BALACHOWSKY, industriel de Kiev (Ukraine), décédé à Kiev le 23 Juillet 1917, et de Chaïa SKLOVSKY. 


Elle avait 4 frères et sœurs :


- Daniel Gregorevitch BALACHOWSKY (1874 à Kiev - 1931 à Paris), ingénieur civil, Agent consulaire de France à Kiev, qui épousa Sophia SCHWARZMANN (1862 - 1942), soeur de Léon Issaakovitch dit Lev CHESTOV, né Jehuda Leib SCHWARZMANN (1866 à Kiev - 1938 à Paris), Avocat, écrivain et philosophe ;


- Arnold BALACHOWSKY, agronome, qui s'était marié avec une Française, Aménaïde Charlotte de FERAUDY (1876 - 1958), d'où Alfred-Serge BALACHOWSKY (1901 à Karotcha  - 1983 à Paris), entomologiste ; 


Taube dite Tania BALACHOWSKY épouse de Sigismond Ernestovitch DAVIDOFF ;


- et Dimitri BALACHOWSKY, ingénieur civil.

Arrivée en France pour suivre ses études de droit, elle soutint une thèse en droit ayant pour titre : "La loi et l'ordonnance dans les États qui ne connaissent pas la séparation des pouvoirs législatif et exécutif" (Paris - Ed. Arthur Rousseau 1901, 234 pages).

Elle avait épousé, le 28 mai 1896, en la Mairie du 6ème Arrondissement de Paris, Jules Virgile Eugène PETIT (1871 à Cadix - 1938 à Paris), Avocat, journaliste politique, qui sera collaborateur d’Albert THOMAS alors ambassadeur extraordinaire à Moscou en 1917-1918, puis deviendra Secrétaire Général de la Présidence de la République de 1920 à 1924 durant la présidence d’Alexandre MILLERAND, et Maître des requêtes au Conseil d'État à compter de 1921, et était Membre du Comité central de patronage de la Jeunesse universitaire russe à l’étranger de 
Mikhail FEDOROV (1858 -1949). Il était le neveu de Théophile DELCASSE (1852 à Pamiers - 1923 à Nice).

13 Jours plus tard, le 19 Décembre 1900, Jeanne CHAUVIN (1862 - 1926), dont l'opiniâtreté avait permis l'adoption de la Loi permettant aux femmes d'accéder à la profession d'Avocat, suivait les pas de Sonia Olga BALACHOWSKY-PETIT devenant la deuxième femme à entrer dans le Profession d'avocat.

Le 22 Décembre 1922, parmi les 8 membres fondateurs de l'UJA de Paris figurait une femme : Madeleine TAUPAIN (1894 - 1974) qui avait prêté serment le 25 Janvier 1922.

Ces prestations de serment avaient été rendues possible par la promulgation de la Loi n°1900-1201 du 1 Décembre 1900 ayant pour objet de permettre aux femmes munies des diplômes de licencié en droit de prêter le serment d'avocat et d'exercer cette profession.


Une "innovation" qui fut accueillie de manière assez "tiède" par la presse de l'époque, comme en témoignent certains des articles publiés ci-dessous. 

Il faudra attendre le 11 Avril 1946, et la Loi n°46-643 du 11 Avril 1946 ayant pour objet de permettre aux femmes d'accéder à la magistrature, pour que les femmes puissent passer de l'autre coté de la barre et intégrer la magistrature ... 

Le Petit Journal - 1900

                                                               
  Gil Blas - 1900

Journal de Droit International Privé - 1900
Le Rappel - 1907
Le Strapotin - 1917


Le Correspondant - 1900
Version remaniée et augmentée d'un article initialement publié le 6 Décembre 2010 sur uja.fr 


17/12/2011

Dictionnaire des Avocats du Barreau de Paris en 1811

Par Hervé ROBERT, Philippe BERTHOLET et Frédéric OTTAVIANO - Préface de Jean TULARD, Avant-propos de Jean CASTELAIN & Jean-Yves LEBORGNE - Riveneuve Editions - Coffret de deux tomes de 608 pages - 80 euros. 


Nous avons eu l'occasion, en Décembre 2010, dans notre article « Le Décret du 14 Décembre 1810 et le rétablissement du Barreau de Paris » de nous pencher sur les 15 membres composant le Conseil de l'Ordre de Paris lors du rétablissement du Barreau de Paris en 1811, et le premier Bâtonnier d'alors, Gaspard-Gilbert DELAMALLE. 

Le Barreau de Paris comptait alors 300 avocats, certains au nom prestigieux, d'autre moins. 

Qui étaient-ils, d'où venaient-ils, quelle fut leur destinée, à une époque ou la Profession d'avocat était l'antichambre d'une carrière dans la magistrature ou la politique. 

C'est à ces questions que se sont intéressés un juge d'instruction, pour une fois autorisé à enquêter sur des avocats ..., Hervé ROBERT, et deux historiens, Philippe BERTHOLET et Frédéric OTTAVIANO, pour établir 300 notices détaillées sur la vie des 300 avocats composant le Barreau de Paris en 1811. 

C'est une véritable photographie de groupe de la société judiciaire parisienne de la première moitié du XIXème siècle que nous livre ce dictionnaire. 

On découvre notamment leurs convictions religieuses, leurs revenus et patrimoine, leur carrière professionnelle ... 

Dernier ouvrage réalisé sous le Bâtonnat de Jean CASTELAIN, après « Maître vous avez la parole », hors commerce, mais ayant donné lieu à une version enrichies mise en vente sous le titre « les Grandes Plaidoiries » , puis « La Conférence des avocats de Paris. Une école d'éloquence », distribué à l'occasion de la rentrée du Barreau de Paris en 2010, ce dictionnaire apporte une pierre supplémentaire à une patiente réappropriation de leur histoire, encore mal connue et sujette à beaucoup d'approximations, par les avocats. 

Au fil de sa lecture, l'on trouvera parmi tous, celui qui organisa clandestinement pendant la Révolution la Compagnie des notaires de Paris, avant de défendre les intérêts de cette même Compagnie des notaires devant le Conseil d'Etat le 22 Février 1806 face à Napoléon et Cambacérès et obtient de faire modifier le projet de Code de Procédure Civile qui était alors « très préjudiciable aux privilèges et fonctions des notaires » ... 

S'étant manifestement découvert, par la même occasion, une autre vocation, il vendit sa charge en 1807 et devint ... Avocat à compter de 1808 ... 

Il eut été souhaitable que toute la Profession de notaire en fasse de même par la même occasion... 

Nous vous laissons le soin de découvrir son nom ! 

23/11/2011

Au revoir l'ami : Jean-Claude Woog (1928-2011)

Un infime tristesse, une profonde émotion, le sentiment d'être quelque part devenus orphelins, nous a envahi ce matin, en apprenant le décès de notre Confrère et ami Jean-Claude Woog

Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille et ses proches. 

Une cérémonie aura lieu au cimetière de Pantin Jeudi 24 Novembre 2011 à 14h30. Tous les Confrères qui souhaitent lui rendre un dernier hommage sont invités à porter la robe. 

Passionné, 

Tant de mots pourraient le definir, mais parmi tous nous choisirions celui-ci. 

Président de l'UJA de Paris en 1960, de la FNUJA en 1968, Membre du Conseil de l'Ordre en 1972, 

Mais pas seulement, 

Engagé, 

Il l'aura été tout au long de sa carrière, jusqu'à ces derniers jours où il continuait encore de faire part de ses conseils et recommandations à la Commission Formation du CNB, sur ce sujet qui lui tenait tant à coeur de la formation initiale des jeunes avocats. 

Le 26 Octobre 2011, l'UJA de Paris, ses anciens Présidents et Invités Permanents, lui avait rendu un hommage, à l'occasion du 50eme anniversaire de sa Présidence de l'UJA de Paris (1960/1961). 


Relisons-le. 


07/11/2011

7 Novembre 1991 / 7 Novembre 2011 : 20ème Anniversaire de la mort de Gaston Monnerville

Premier Président du Sénat, Gaston Monnerville fut, notamment, Président de l'UJA de Paris en 1927/1928


C'était il y 80 ans. 

Les chroniques de ce procès ont été longuement rapportées par Géo LONDON dans "Les Grands Procès de l'année 1931" (éd. Les éditions de france - 1932). 


Il est décédé il y a 20 ans, le 7 Novembre 1991. 

A l'occasion du 20ème anniversaire de sa mort, deux évènements à noter : 

La Poste émet un timbre à l'effigie de Gaston Monnerville (Creation et gravure de : Sarah Bougault d'ap. photo © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN / Studio Harcourt, Imprime en : Taille-douce 1 poinçon, Format du timbre dentelures comprises : vertical 30 x 40 mm, Valeur faciale : 0,60 euro). 

Le timbre sera mis en vente à partir du 7 Novembre 2011. 

La vente anticipée "premier jour" aura lieu, à Paris : 

- les 5 et 6 Novembre 2011 au Salon philatélique d'Automne à l'Espace Champerret, dans le Hall A de 10 h à 18 h, 

- le 5 Novembre 2001 à la boutique Le Carré d'Encre, 13bis, rue des Mathurins - 75009 Paris. 

France 5 diffuse Dimanche 6 Novembre à 22 h 00 un documentaire intitulé"Gaston Monnerville, la mémoire retrouvée" (Documentaire de 52' réalisé par André Bendjebbar et produit par Taïnos Prod, avec la participation de France Télévisions et de Public Sénat. 2011).