18/12/2024

Affaire Bismuth : clap de fin (enfin presque)

La lecture de l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire dite Bismuth (Crim. 18 déc. 2024, n°23-83.178, P) est, à elle seule, une vertu pédagogique. L’arrêt est carré et conforme à la jurisprudence.  

Non, ça ne se fait pas d’intervenir auprès d’un magistrat (comme d’un greffier, d’un OPJ, etc…) pour essayer d’influer sur une décision ou d’obtenir des informations privilégiées sur la procédure. Même sans contrepartie, soit-dit en passant.    

Oui, ça se fait d’utiliser une conversation téléphonique entre un avocat et son client lorsque celle-ci est le support même de l’infraction commise. Les principes en la matière ont déjà été posés par la CEDH dans son arrêt du 16 juin 2016 (v. D. Piau, "Ecoutes incidentes, un avocat averti en vaut deux"). 

L’encre a déjà tellement coulé sur le sujet qu’il n’y a plus guère à écrire (v. not. D. Piau, "Le bâtonnier, protecteur et confident nécessaire de ses confrères, là est la victoire, et elle est belle !"). 

On s’amusera à constater le rejet d’un certain nombre de moyens car la défense était parfaitement en mesure de les soulever en temps utile mais ne l’a point fait … on se demandera pourquoi …
 
J’ai très mal vécu dans cette affaire l’instrumentalisation de mon barreau, non pas dans l’intérêt général des avocats, mais dans l’intérêt particulier de la défense d’un ancien président de la République. D’autant plus mal vécu, que je l’ai vécu de l’intérieur.   

La Cour de cassation a ainsi remis les choses d’équerre, et ce dans l’intérêt bien compris de la grande famille judiciaire, dans son ensemble. 

Pour les avocats dans leur pratique quotidienne, il reste un point sur lequel il convient de prendre garde : l’« attendu » 68 de l’arrêt de la Cour de cassation qui considère, s’agissant des arrêts de la chambre de l’instruction, sans se prononcer sur leur régime au regard du secret de l’enquête et de l’instruction, que ceux-ci sont couverts par le secret professionnel de l’avocat.

Pour la Cour de cassation : 

« un arrêt débattu et rendu en chambre du conseil par une chambre de l'instruction dans le cadre d'une procédure d'instruction est notifié à l'avocat d'une partie en application de l'article 217 du code de procédure pénale, il constitue une information à caractère secret dont l'avocat a eu communication en raison de sa profession et dont la révélation est interdite en application de l'article 226-13 du code pénal, la circonstance que ce document soit ou non couvert par le secret de l'instruction étant indifférente. » (Crim. 18 déc. 2024, n°23-83.178, P).

Cette position, et elle seule, apparait très discutable, car la communication d’un tel arrêt à un tiers peut être justifiée par les nécessités de la défense afin d’avoir un avis, notamment, juridique.

Toutefois, la question des nécessités des droits de la défense n’était pas soulevée sur ce point, seule l’absence de protection par le secret l’était. Il est vrai que ça aurait été le diable qui se mord par la queue que de reconnaitre ainsi, implicitement, l’infraction qui était reprochée à titre principal …  

C’était donc juste pour une « activité doctrinale » qu’un « passionné de procédure pénale (…) a indiqué vouloir consulter l'arrêt par curiosité ». 

Et comme chacun sait, la curiosité est un vilain défaut.